13 > 15.10.2022 | Transcultures @ Colloque 01Design.12 | Hammamet (Tn)

13 > 15.10.2022 | Transcultures @ Colloque 01Design.12 | Hammamet (Tn)

Transcultures participe au 12e Colloque International sur les sciences et technologies de la conception qui veut interroger les limites des modèles de processus de conception et mettre en avant le « Design non intentionnel » (DnI) (Unintentionnal Design) comme une « critique de la phénoménologie intentionnelle »  de la conception. C’est une volonté de repenser le processus de conception, prenant en compte le caractère imprévisible du design et de ses modes d’usages qui peut correspondre « au détournement quotidien par l’usager de ce qui a été conçu […] ne crée pas un nouvel objet mais crée quelque chose de nouveau qui remplace l’ancien à travers l’acte d’usage ».

Philippe Franck intervient avec une conférence autour de la thématique du Impermanent Sound Art Process : De l’art de l’intégration du contingent et de l’impermanence dans la création sonore contemporaine. A noter que les artistes/chercheurs Gaëtan Le Coarer & Marc Veyrat, soutenus par Transcultures intervienne également lors de ces 3 journées.

Comment définir le « Design non intentionnel » (Unintentional Design) ?

« Le design non intentionnel est le détournement quotidien par l’utilisateur de ce qui a été conçu. Il ne crée pas un nouvel objet mais crée quelque chose de nouveau qui remplace l’ancien par l’acte d’utilisation. » (Uta Brandes). L’activité humaine quotidienne contribue à transformer en ajustant les cadres construits (Bruce Bégout).

En architecture, la démarche non intentionnelle a pris différentes formes à la fin du XXe siècle : design incrémental de Lucien et Simone Kroll ou design « pattern » de Christopher Alexander, design rétroactif de Rem Koolhaas, design structuraliste d’Hermann Hertzberger ou design négocié pour l’Eco-Maison de Frei Otto, jusqu’aux bidonvilles auto-planifiés décrits par Yona Freidman. Dans tous ces exemples, la conception non intentionnelle pourrait être comprise comme une pragmatique inductive basée sur des tâches interprétatives face à un existant complexe, obsolète ou inopérant. Interprétation de données, reconnaissance de formes, détournement d’usages (Richard Sennett) mais aussi rétro-ingénierie d’objets ou de logiciels.

La notion de « design non intentionnel » renvoie aussi à l’idée d’un designer-improvisateur qui réagit à la situation, et pour qui « attendre ne suffit pas : il faut maintenant être prêt, regarder et sauter, […] le bon usage de l’occasion présuppose un art [qui demande] des grâces réceptives et appréhensives, et comme il crée lui-même l’occasion, il s’apparente à de l’improvisation musicale » (Vladimir Jankélévitch). Puis s’éloigne la figure de cet architecte qui colonise les territoires, étend la ville et construit un avenir radieux parsemé de ronds-points.

Dessiner une telle équivalence entre percevoir, c’est-à-dire interpréter la réalité, puis la concevoir, c’est-à-dire agir sur elle, ne supposerait-il pas de réajuster certaines hiérarchies et surtout de définir de nouveaux outils de conception ?

Récemment, en cette ère numérique, le phénomène du Design Non Intentionnel (UID), comme beaucoup d’autres, s’est fondamentalement libéré pour se déclarer comme une pratique intellectuelle autonome et légitime. Elle a envahi les mondes des TIC pour se répandre à grande vitesse dans de nombreux domaines professionnels dont ceux traitant des espaces urbains et architecturaux.

Elle devient du coup une pratique « intentionnelle » avec ses méthodes et ses outils. L’UID est dans l’air de ces temps qui se veut pérenne, participatif, évolutif, partageable, … où l’objet en design continu devient un alibi de transactions humaines et de nouvelles pratiques de coproductions sociales d’information, de savoir et de communication objets (Internet des objets).

Les colloques 01Design ont pour objectif de confronter les différents mondes de la conception et du design, plus particulièrement ces rencontres sont l’occasion d’explorer la complexité de la frontière entre deux faces contemporaines de cet univers que sont la conception d’objets physiques (architecture, aéronautique, automobile, design industriel, etc.) et celui, plus récent, de la conception d’objets numériques et / ou informationnels (objets communicants, Internet des objets, interface cognitive, 3D printing, design social, réalité augmentée, réalité virtuelle, etc.).

Impermanent Sound Art Process - Philippe Franck

De l’art de l’intégration du contingent et de l’impermanence dans la création sonore contemporaine

Au XXème siècle, de grands compositeurs ont introduit le concept de hasard (John Cage) ou de scholastique (Xenakis) afin de se libérer des contraintes d’une grammaire musicale jugée trop fermée et d’inventer d’autres systèmes d’audio organisation créatifs plus ouverts. A la forme fixée par une écriture codée, celle qui intègre l’aléatoire implique non seulement d’avantage la créativité de l’interprète qui devient co-auteur mais affirme également l’autonomie et l’impermanence du phénomène sonore.

Parallèlement, le jazz a célébré la notion d’improvisation. Miles Davis, John Coltrane, Albert Ayler, Ornette Coleman (Free Jazz à partir de la fin des années 50), Cecil Taylor et tant d’autres grands jazzmen se saisissent des énergies ambiantes et font proliférer la matière sonore dont ils organisent en temps réel le devenir. Le jeu se déploie alors dans le cadre d’un Aiôn (signifiant, en grec ancien, destinée, âge, génération, ère mais aussi éternité) qui est ici un « temps indéfini de l’événement »[1].

Dans d’autres cultures musicales non occidentales, les notions d’improvisation et de préméditation ne s’opposent pas. Ainsi par exemple, dans la musique classique indienne, la forme du raga se définit comme un cadre mélodique pour l’improvisation et la composition.

Dans les développements plus récents de la création sonore contemporaine (qui ont subi l’influence parfois déterminante d’autres genres musicaux issus aussi d’autres traditions) nous pouvons identifer plusieurs modes de « comprovisation » intégrant dans une ossature architecturale souple des moments d’exploration et d’extension ouverts, et inversement.

Pour les tenants du mouvement Fluxus (pour le volet musical, John Cage, La Monte Young, Nam June Paik, Georges Brecht) dans la continuité de l’extension de la grammaire sonore et musicale au bruit prôné par le futuriste italien Luigi Russolo et son manifeste fondateur L’art des bruits (1913) revendiquant la pleine intégration des productions de la vie quotidienne, « tout son est un bon son et l’impermanence de la vie devient une interpénétration complexe de centres bougeant, sans obstruction, dans toutes les directions »[2]. Cette fluidité prédominante au centre de forme de la performance ainsi que les notions d’event et de happening (pour Alan Kaprow, celui-ci n’a pas de public mais seulement des intervenants) dès le début des années 60.

Avec l’avènement des différentes formes de « sound art » dont les installations contextuelles et génératives (avec l’intégration du numérique), la notion de début et de fin de l’œuvre est abolie dans une circularité fluide qui peut intégrer tant les sons/bruits du quotidien que les interactions des auditeurs invités à participer à la vie d’un organisme sonique vivant. Les accidents ou mutations du dispositif ainsi que de l’ici et maintenant font aussi pleinement partie d’un processus inclusif au résultat toujours changeant.

Le développement des pratiques sonores électroniques ont également permis d’intégrer, plus récemment (après des expériences pionnières dans les musiques électro-acoustiques dès les années 50), à travers divers dispositifs (applications, dispositifs multimédiatiques, VR/XR,…), les notions de générativité, d’interactivité, d’aléatoire, d’emprunt (sampling), de détournement ou encore de circulation du son, sollicitant la participation active de l’auditeur et de son écoute (re)créatrice.

Ce sont ici quelques notions et évolutions qui seront illustrées par des exemples sonores et visuelles, et analysées par Philippe Franck en lien également avec son parcours de créateur sonore, de critique et de commissaire artistique de plusieurs manifestations internationales d’art sonore.

[1] Christian Béthune, De l’improvisation, Presses universitaires de France, 2010, p. 157.
[2] Olivier Lussac, Fluxus et la musique, Presses du réel, 2010, p. 17

Philippe Franck (Be)

Historien de l’Art, critique culturel et concepteur/producteur passionné par les transversalités créatives contemporaines, Philippe Franck est directeur/fondateur de Transcultures, Centre des cultures numériques et sonores installé à La Louvière (Belgique). Il est directeur artistique du festival international des arts sonores City Sonic et de la biennale des cultures et émergences numériques Transnumériques (tous deux proposés dans plusieurs villes en Fédération Wallonie-Bruxelles). Il est également, depuis 2018, directeur des Pépinières européennes de Création, réseau international pour la mobilité des artistes contemporains dont la coordination est basée en France.

Il a été commissaire artistique de nombreuses autres manifestations internationales d’arts contemporains, sonores, hybrides et numériques et intervient, par ailleurs, dans divers colloques, commissions, projets européens et écrit régulièrement sur ces sujets dans diverses publications belges, françaises et québécoises. Il enseigne également les arts numériques à l’École Supérieure des Arts Saint-Luc (Bruxelles) et les arts sonores à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles et à l’École des Arts Visuels de Mons Arts2. Il développe parallèlement une carrière de créateur sonore depuis les années 80.

Depuis 2021, il est doctorant au sein du laboratoire CiTu-Paragraphe de l’Université Paris 8.

philippefranck.eu

BOOM ! Le bruit du moteur d’immersion dans la conduite accidentelle - Gaëtan Le Coaer

La figure d’un design non-intentionnel, en recherche création s’envisage en réalité mixte dans une phénoménologie de l’accident. Avec ce processus qui s’articule entre conceptualisation artistique et analytique, l’accident obtient toute sa place et intervient sans cesse. L’artiste, le concepteur, opérateur méthodologique ne se soumet bien évidemment pas à ce dernier mais est en mesure de véritablement interagir sur, et au travers de lui, devenant ressource dans l’avancée d’un projet (C®ASH !).

L’accident se retrouve dans l’expérimentation, autour des tactiques des utilisateurs immergés dans un dispositif scénarisé (C®HACK !). À partir de cette figure de l’accident, concepteur et utilisateurs, LECTURE®s s’incarnent dans une « métempsycose du passager », produisant une commutation essentielle à la constitution d’une scénarisation (B@M !). Ce sont des onomatopées empruntées à la bande dessinée ®-MIXÉE qui axent notre terrain de recherche établissant cette composition bruyante de « ce qui [Nous] arrive ». Les trois architexturant un grand BOOM ! d’un moteur d’immersion de la « mixité » en bande dessinée.

gaetanlecoarer.com

II chevaux - Marc Veyrat, Gaëtan Le Coarer

La ®-PRÉSENTATION pourrait se définit comme l’action de présenter à nouveau, tout en tenant compte et en profitant du cadre de présentation précédemment acté. Le résultat de cette action ®≠MAKE[1] permettrait ainsi d’élargir le propos de cet antécédent référentiel, de stimuler et d’interroger les informations qu’il contient en tant que modèle pour révéler de nouvelles connexions potentielles, de nouveaux réseaux d’usages, concrètement de nouvelles formes comme de le rendre au présent.

Cette ®-MISE en question serait peut-être un point d’entrée possible — en dehors de ce que nous pourrions considérer comme une simple pirouette postmoderne — pour la notion de design non intentionnel. Car ce palimpseste en quelque sorte — dès lors qu’il soit accepté ou même provoqué — agirait profondément sur l’étude ou l’aperception, la compréhension du modèle à l’instar de ce qui s’est passé avec La Renaissance Italienne.

Ce ®_T-O+O-R vers le futur[2] nécessaire s’inscrirait alors dans une dynamique de l’écart nécessaire, comme un dérapage contrôlé, un bug[3] systémique par rapport à l’original. La concrétion, cet épaississement par accumulation de matière obtenu à l’aide de couches successives, toujours i+M/PULSÉ à travers une nouvelle lecture a-U_J-O+O-R_d-U_i, reste ici transparente. Ce n’est pas un substitut. Mais bien l’enregistrement d’une ®-ACTIVATION, un peu comme enfourcher un nouveau cheval après un passage dans un relais de poste pour continuer notre voyage au galop.[4]

[1] “Reproduction, recréation, réinterprétation : le ®≠MAKE est à l’origine du réseau, jouant sur la répétition pour transfigurer ce qui sera de nouveau ®-interprété. Réutilisable, exploitable à l’infini par ses qualités propres d’objet numérique, l’œuvre inclut désormais sa dissémination et sa réappropriation“. Marc Veyrat. ®≠MAKE, Notion n°63, in 100 Notions pour l’Art Numérique, sous la direction de Marc Veyrat, Collection 100 Notions dirigée par Ghislaine Azémard, Éditions de l’Immatériel, livre hybride www.100notions.com, Paris, 2015, pp.164-166.
[2] La question du ®-T-O+O-R, à l’instar du film Retour vers le futur (-! Robert Zemeckis, 1985, US, 01h56‘ !-) se développe par une extension, une ®-ACTIVATION et un changement de cap du passé, ici par rapport l’interprétation de cette ®-PRÉSENTATION dans le présent de l’information perçue.
[3] “Bug est un mot anglais signifiant insecte et désignant couramment tout type de dysfonctionnement. À la fois erreur et parasite, une telle ambiguïté plaît aux artistes qui jouent de l’accident et du hasard pour révéler des formes hybrides, imprévisibles et inattendues. En art numérique, le bug perturbe pour mélanger, désactiver, réactiver, obligeant à une mobilité de la création et de la pensée“. Carole Brandon. Bug, Notion n°16, in 100 Notions pour l’Art Numérique. Ad Ibidem 2, pp.48-50.
[4] Cet article prolonge celui déjà édité en anglais dans la revue International Journal of Design Sciences and Technology, IJDST / Vol 24 n°1. Marc Veyrat. Horses: unintentional design case study, (2020. Editor-in-Chief: Khaldoun Zreik Editors: Guillaume Besacier, Matthieu Quiniou, Xiao Zhang. “The horse has a ®-MARKABLE ability to adapt to its environment. Its use, by man, to accomplish difficult, thankless or strategic tasks has always made it an undeniable asset, to understand and experience its environment.  However, in relation to this question of unintentional design that we will try to deal with in this paper, it is already perhaps this form of apparatus necessary for living beings, which will provoke —®-START in man —this necessary questioning about the living beings that surround him but escape him, while making him aware of this obligatory distancing device to identify and ®-CONNECT himself as a human being. An I subject to the world… Finally, the horse is to be understood here as an external body grafted to our own body, forcing it to drift“.

i-real.world

En savoir plus

Programme complet

13 octobre 2022

Session 1 : président Anis Semlali

  • 09:30 – 10:00 – Khaldoun Zreik
    Introduction 01 Design 12
  • 10:00 – 10:30 – Claire Bord
    L’attention au milieu ou l’écologie du projet en design
  • 10:30 – 11:00 – Françoise Decortis, Anne Bationo Tillon
    Les théories de l’activité peuvent-elles offrir de nouvelles perspectives pour le design non-intentionnel dans l’éducation ?

Pause café

  • 11:30 – 12:00 – Omar Blibech, Naoufel Abbes
    De la réinvention de l’usage de l’objet : au gré de l’expérience-utilisateur.
  • 12:00 – 12:30 – Mariem Dridi
    L’image numérique à l’ère de la viralité : communication publicitaire spontanée ou stratégie organisée

Pause déjeuner

Session 2 : Naoufel Abbas

  • 14:00 – 14:30 – Imene Kechida
    L’expérimentation matérielle intuitive au cœur d’un design d’expérience produit : retombées d’une recherche pédagogique.
  • 14:30 – 15:00 – Anaïs Bernard
    L’hybridation, comme processus de conception des corps
  • 15:00 – 15:30 – Amira Naoui
    Morphologie du processus catastrophiste en architecture

Pause café

  • 15:30 – 16:00 – Gaetan Le Coarer (en visio)
    BOOM ! Le bruit du moteur d’immersion dans la conduite accidentelle
  • 16:00 – 16:30 – Marc Veyrat, Gaetan Le Coarer
    II chevaux
  • 16:30 – 17:00 – Salma Ktata
    L’école Supérieure des sciences et technologies de design repense la formation en design vers une approche pédagogique par compétences
14 octobre 2022

Session 3 : Omar Blibech

  • 09:30 – 10:00 – Xaviera Calixte, Samia Ben Rajeb, Aurélie Jeunejean and Pierre Leclercq
    Méthode de suivi de l’usage des outils dans un processus collectif de conception : mise en évidence des pratiques du design non intentionnel.
  • 10:00 – 10:30 – Salma Akrout, Xaviera Calixte and Pierre Leclercq
    L’impact des méthodes computationnelles sur l’intention des architectes dans le processus de conception : entre design intentionnel et libération du geste créatif
  • 10:30 – 11:00 – Anis Semlali
    L’outil paramétrique comme moyen d’idéation non-intentionnel

Pause café

  • 11:30 – 12:00 – Smail Khainnar and Mei Menassel Savreux
    De l’intentionnalité dans le design d’expérience usager
  • 12:30 – 13:00 – Elizabeth Mortamais
    Concevoir peut il devenir un acte dénué d’intention ?

Pause déjeune

Session 4 : Imad Saleh

  • 14:00 – 14:30 – Patrizia Laudati, Hafida Boulekbache
    « Le chemin des ânes » : où quand le non intentionnel dessine des chemins
  • 14:30 – 15:00 – Philippe Frank
    De l’art de l’intégration du contingent et de l’impermanence dans la création sonore contemporaine

Pause café

  • 15:30 – 16:00 – Ferdaws Belcadhi
    Vers une sémiotique des pratiques urbaines à l’épreuve de l’expérience
  • 16:00 – 16:30  – Nomen Gmach, Salma Abdennadher
    La contextualisation du vécu urbain en Tunisie au prisme de la spontanéité et de la planification urbaine
  • 16:30 – 17:30 – Samuel Szoniecky
    Table ronde 1 : conception non-intentionnelle
15 octobre 2022

Présentations des travaux des ateliers de « conception non intentionnelle » menés par les étudiants de l’ISAM – Sfax, l’UIK et l’ESSTED

  • 09:30 – 12:30
    Animateurs : Meriem Gargouri (ISAM- Sfax) Ferdaws Belcadhi (UIK) Naoufel Abbes (ESSTED )

Pause déjeuner

Table ronde 2 « synthèse et clôture »

  • 14:30 – 16:00
    animée par Antonnela Tufano et les représentants des instutitions participantes au colloque

12e Colloque internationale sur les sciences et technologies du design

Comment définir le « Design non intentionnel » (Unintentional Design) ?

« Le design non intentionnel est le détournement quotidien par l’utilisateur de ce qui a été conçu. Il ne crée pas un nouvel objet mais crée quelque chose de nouveau qui remplace l’ancien par l’acte d’utilisation. » (Uta Brandes). L’activité humaine quotidienne contribue à transformer en ajustant les cadres construits (Bruce Bégout).

En architecture, la démarche non intentionnelle a pris différentes formes à la fin du XXe siècle : design incrémental de Lucien et Simone Kroll ou design « pattern » de Christopher Alexander, design rétroactif de Rem Koolhaas, design structuraliste d’Hermann Hertzberger ou design négocié pour l’Eco-Maison de Frei Otto, jusqu’aux bidonvilles auto-planifiés décrits par Yona Freidman. Dans tous ces exemples, la conception non intentionnelle pourrait être comprise comme une pragmatique inductive basée sur des tâches interprétatives face à un existant complexe, obsolète ou inopérant. Interprétation de données, reconnaissance de formes, détournement d’usages (Richard Sennett) mais aussi rétro-ingénierie d’objets ou de logiciels.

La notion de « design non intentionnel » renvoie aussi à l’idée d’un designer-improvisateur qui réagit à la situation, et pour qui « attendre ne suffit pas : il faut maintenant être prêt, regarder et sauter, […] le bon usage de l’occasion présuppose un art [qui demande] des grâces réceptives et appréhensives, et comme il crée lui-même l’occasion, il s’apparente à de l’improvisation musicale » (Vladimir Jankélévitch). Puis s’éloigne la figure de cet architecte qui colonise les territoires, étend la ville et construit un avenir radieux parsemé de ronds-points.

Dessiner une telle équivalence entre percevoir, c’est-à-dire interpréter la réalité, puis la concevoir, c’est-à-dire agir sur elle, ne supposerait-il pas de réajuster certaines hiérarchies et surtout de définir de nouveaux outils de conception ?
Récemment, en cette ère numérique, le phénomène du Design Non Intentionnel (UID), comme beaucoup d’autres, s’est fondamentalement libéré pour se déclarer comme une pratique intellectuelle autonome et légitime.

Elle a envahi les mondes des TIC pour se répandre à grande vitesse dans de nombreux domaines professionnels dont ceux traitant des espaces urbains et architecturaux.

Elle devient du coup une pratique « intentionnelle » avec ses méthodes et ses outils. L’UID est dans l’air de ces temps qui se veut pérenne, participatif, évolutif, partageable, … où l’objet en design continu devient un alibi de transactions humaines et de nouvelles pratiques de coproductions sociales d’information, de savoir et de communication objets (Internet des objets).

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