01.11 > 11.11.2018 | Expo Digital Contemplation | Abbaye de Villers

Du 1er au 11 novembre, l’Abbaye de Villers et Numeric’Arts présentent la première exposition d’art numérique « Digital Contemplation » au cœur du site. Lier arts numériques et patrimoine, comme autant de résonances entre le passé et l’époque contemporaine. Tel est le propos fondamental de l’exposition, qui les réinterprète au travers du spectre numérique, point cardinal de nos nouveaux modes d’expression.

Des arts numériques à l’Abbaye

De Victor Hugo à nos jours, l’Abbaye a largement nourri l’imaginaire artistique. Médium privilégié de nos contemporains, la sphère numérique a quant à elle su créer des œuvres métisses, alliant sensibilité, humilité et grandeur. Puisant dans un florilège d’artistes représentatifs de l’art numérique en Belgique, l’idée de les présenter en plein air s’est imposée à Numeric’Arts, asbl qui œuvre à la promotion d’artistes numériques belges reconnus et émergents.

Ainsi, au creux de l’automne, Stéphanie Laforce avec la collaboration de Raymond Delepierre, Kika Nicolela, Cédric Dermience, Thomas Israël, Raphaël Vens, Vincent Paesmans à titre posthume et de jeunes talents (issus de l’école des arts visuels de Mons Arts2) Emergences numériques et sonores proposés par Transcultures (Centre interdisciplinaire des cultures numériques et sonores), invitent le public – autant des adultes que des enfants – à poser un autre regard sur ce domaine historique et ses pierres.

Des installations électroacoustiques

Là où les pierres nous ancrent dans le passé, Ce qui nous lie… à notre époque réside fondamentalement dans ses vibrations so- nores. Attendues, surprenantes ou encore grisantes, Stéphanie Laforce offre un éventail de sonorités à travers des élastiques tendus dans la nef et le cellier. Leurs lignes transpercent les espaces et soulignent l’architecture, les installations Nola et Cela se jouant du dedans et du dehors, deviennent musicales grâce à un dispositif numérique créé par l’artiste. Ces élastiques chantants sont chacun pourvus d’un comportement propre : les sons varient en fonction des forces et du poids exercés sur des « cordes » offrant des résistances variables. Invité à manipuler cet instrument interactif, le public devient acteur d’une improvisation collective durant laquelle un dialogue s’installe, en temps réel, entre les lieux et les «visiteurs/joueurs ».

Raphaël Vens propose, lui, de tirer parti de la technologie pour capter les Fréquences antiques enfuies dans l’Abbaye. Evo- quant une pratique courante aux temps anciens, son œuvre prend racine dans les théâtres de l’Antiquité et dans certaines églises ultérieures, où des vases étaient insérés dans les murs afin de transformer l’acoustique des lieux : ils faisaient alors office de résonateurs ou d’absorbeurs de fréquences pour modifier la qualité sonore des bâtiments. Partant de cet artéfact architectural, la démarche de l’artiste est pour sa part résolument universaliste. Raphaël Vens est en effet convaincu que chaque vie humaine a contribué, au fil des siècles, à façonner le monde dans lequel nous vivons, que nos sociétés humaines sont la somme de ces milliards de voix, quel qu’aient été leurs rôles et leurs fonctions, leur époque et leur environnement. C’est sur le même principe que fonctionne son installation : chaque voix, par essence unique, vient construire et enrichir une musique collective qui, à l’instar du monde, n’en finit pas d’évoluer.

Des arts visuels contextuels

L’art visuel invite, bien souvent, à considérer autrement ce qu’il nous est donné à voir. Aussi, Black Box, l’œuvre de Cédric

Dermience, vient-elle ponctuer ce regard, jouant sur l’idée de rémanence. L’artiste explore le lien entre l’interprétation hu- maine d’une réalité, assujettie à notre vécu, notre culture, notre psyché, et surtout notre aptitude à enregistrer la lumière, et la capacité d’un appareil photo à fixer un espace-temps invisible à l’œil nu pour envisager une réalité protéiforme. Ses travaux se veulent une critique du monde moderne et de l’impact, souvent dramatique, de l’homme sur son environnement. Cédric Dermience présente Arbres Fenêtres, des œuvres disséminées tout au long du parcours de visite et composées de photos rétro-éclairées prises in situ. S’illuminant à l’approche des visiteurs, elles s’assombrissent aussitôt les spectateurs repartis.

Chez Thomas Israël, la fascination pour l’abysse temporel est criante, qu’il soit à la surface ou en souterrain. En surface, son vitrail What You See Is What You get est une ode à la couleur, la beauté pure, l’immatérialité de la lumière qui est transcen- dance. C’est un appel à l’élévation et à la spiritualité, vers lequel on s’élève comme certains contempleraient le divin, d’autres l’absolu. C’est aussi une chimère née du Big Data qui questionne l’omniprésence d’une information surabondante rendue tan- gible, compréhensible, accessible grâce à sa représentation, qui n’est toutefois jamais neutre et nous interpelle autant que l’information elle-même, tant elle est liée à notre conception d’un monde dual où combattrait le bien et le mal.

En souterrain, son Ventre du monstre (production Transcultures à sa conception) est une plongée par paliers successifs dans l’imaginaire des mondes profonds. Au travers de tableaux successifs le spectateur pénètre dans les fantasmagories des matières mythologiques (titans, méduses, enfers…), solidement ancrées par une création sonore de Gauthier Keyaerts. Et les contemporains de l’artiste de voir affleurer ce tréfonds essentiel dont nous entretiennent les mythes, cette base symbolique sur laquelle nos sociétés ont éclos.

Invitant littéralement à une descente dans les ténèbres et le temps, Kika Nicola s’intéresse à l’espace des cachots de l’Abbaye de Villers, dont les détails et sensations décrits par Victor Hugo sont encore palpables. Avec son installation Entre-temps, où la bataille entre ombre et lumière, contrainte et liberté prennent la forme d’une danse cathartique avec la comédienne Anna Tenta et la musique de Gauthier Keyaerts. Metanoïa s’inspire de l’incarcération comme symbole de l’obscurité interne et du monde, prise comme une étape d’un douloureux processus de transformation. Cette nouvelle installation interactive présente un corps projeté dont les actions obsessionnelles répondent en temps réel à la lumière présente dans le cachot. Ses œuvres s’inscrivent souvent dans une approche participative, alternant questionnements et interrogations autour de l’identité et de l’altérité, de la communication, de l’autoreprésentation, du récit, du discours, des stéréotypes culturels et des rôles sociaux.

Vincent Paesmans (artiste numérique, plasticien, ingénieur et programmeur belge décédé en 2018) enfin, est présent à titre posthume à travers une œuvre prêtée par sa famille, un tableau mandala numérique présenté au Château de Corroy-le-Châ- teau en octobre 2017 dans le cadre de la Saison des cultures numériques.

Des émergences numériques et sonores

Le partenariat Numeric’Arts & Transcultures propose une sélection variée de projets récents d’étudiants de l’école des arts visuels de Mons Arts2 résultant du programme Emergences numériques et sonores. Lancé en 2008, cette initiative qui a tissé des partenariats avec plusieurs écoles d’art belges et étrangères, accompagne à l’année des projets intermédiatiques des jeunes talents de la Fédération Wallonie-Bruxelles et diffuse au final, dans des conditions professionnelles, des installations, performances ou dispositifs connectés, fruits d’esthétiques et d’imaginaires variés en lien avec les cultures numériques et/ou audio d’aujourd’hui.

Maïa Blondeau & Aïna Spencer
étudiantes en arts numériques à l’école supérieure des arts visuels Arts2

Labo des épaves (Salle Romane)

Un ghetto-blaster génère des sons analogiques qui contrôlent eux-mêmes des variations lumineuses via un système numérique. Des LEDs contrôlent les variations de vitesse d’un moteur (qui fait partie également d’un système numérique) qui produit un son analogique récupéré par la carte son. Au delà de la réalisation numérique et analogique de ce projet, les conceptrices entendent éveiller les consciences sur notre rapport à la machine. Comment peut-on détourner les utilisations d’appareils cassés ? Un rouage important de ce feedback son-lumière-vitesse est l’utilisation d’objets électroniques trouvés : recycler pour créer.

Gavin Sobnack
étudiant en arts numériques à l’école supérieure des arts visuels Arts2

Le sentier de Mercer (Salle Romane)

Le Sentier de Mercer est une œuvre vidéographique immersive dans laquelle le spectateur est plongé dans un rêve prenant la forme d’un labyrinthe d’images surréalistes. Cette animation en 3D divisée en plusieurs séquences qui sont autant de visites éphémères dans des micro mondes différents, rend hommage à l’univers complexe et chaotique du rêve, régit par sa propre structure et ses propres lois : on s’y perd, s’y emprisonne, partagé entre la confusion et la fascination. L’imagerie y est imprégnée tantôt de symbolisme, tantôt d’absurde, et toujours d’étrangeté.

Maxime Van Roy
étudiant IDM (Image dans le milieu) à l’école supérieure des arts visuels Arts2, création

Casque d’exclusion sonore (Salle Romane)

Cette pièce prend la forme d’un casque audio, qui de manière assez paradoxale émet un son qui exclue les autres sons. Celui-ci est, au départ, une fréquence se situant entre 20 et 30 Hertz qui a, par la suite, été modifiée de sorte à ce qu’elle couvre les sons aux alentours, tant cette fréquence est basse. De plus, l’isolation et l’acoustique permise par le casque joue un rôle important dans l’exclusion des sons extérieurs. L’aspect lisse et régulier de la paroi intérieure, permet une réverbération du son, lui-même contraint par le casque.

Enfin, une spatialisation sonore engendrée par un effet binaural, lui-même appuyé par une inversion de phase, induit une impression étrange et perturbante lorsque l’on bouge la tête à l’intérieur de la structure.

Maxime Van Roy
Création

Trois ballons bruyants (Salle des maquettes)

Dans cette pièce nous abordons des bruits de ballons qui sont retranscrits dans et par eux-mêmes. Effectivement, chacun émet des sons par le biais de haut-parleurs vibreurs qui font office de membranes mais aussi de caisses de résonance. Les sons émis dans les ballons consistent en des frottements, tapotements et autres bruits produits et enregistrés au préalable à partir de ballons. Les visiteurs sont ici invités à évoluer dans un espace triangulaire délimité par trois ballons en suspension. A l’intérieur de celui-ci, on peut ressentir les ondes sonores venir caresser le contour de notre visage et observer une certaine matérialisation des ondes sur les membranes tendues que représente chacun des ballons.

Thibault Drouillon
étudiant en IDM (Image dans le milieu) à l’école des arts visuels de Mons Arts2
Création

Machines sonores (Salle romane)

Plusieurs boites à musique sont actionnées par des moteurs pour créer ensemble une composition sonore nouvelle faite d’une série de séquences aussi bien rythmées que désarticulées.Dans cette pièce évolutive, Thibaut Drouillon évoque la capacité qu’ont des objets finis à créer une composition complexe lorsqu’ils sont additionnés, en laissant une grande place à l’aléatoire.

Partenariat Transcultures/Arts2

Sélection parcours City Sonic

Paradise Now

Transonic Ghosts – (Les souterrains)

A partir d’une sélection d’œuvres audio produites dans le cadre du festival international des arts sonores City Sonic* (de Christophe Bailleau, Isa Belle + Paradise Now, Léo Kupper, such, Pastoral, Simon Dumas…), Philippe Franck** propose pour Digital Contemplation, un parcours intime dans plusieurs pièces adjacentes des souterrains. Ces environnements acoustiques, électroniques et/ou poétiques habitent les lieux de leur présence immatérielle, invitant le visiteur à s’y laisser émerger au gré d’une écoute curieuse et voyageuse.

*City Sonic est un festival dévolu à la diversité des arts sonores dans l’espace urbain et a été initié en 2003 par Transcultures.
**Directeur/fondateur du festival, qui sous le nom de Paradise Now mène une carrière d’artiste/concepteur sonore.

Production : Transcultures/City Sonic, en partenariat avec l’alter audio label Transonic.

Production

Abbaye de Villers-la-Ville asbl & Numeric’Arts en partenariat avec Transcultures

Plan