01 > 03.10.2021 | Transcultures @ Festival Les voix en ville – Lettres en voix (Be)

01 > 03.10.2021 | Transcultures @ Festival Les voix en ville – Lettres en voix (Be)

Pour la 2e année consécutive, l’association Lettres en Voix, avec le soutien de Transcultures, vous invite au Festival Les Voix en Ville, qui se tiendra les 1er, 2 et 3 octobre. Le festival entend faire résonner des voix littéraires et musicales dans des lieux emblématiques à Bruxelles. Outre le partenariat, Transcultures est plus particulièrement présente pour les capsules poétique et les artistes sonores qui ont fait les musiques originales des ces vidéo.

Avec : Bernard Foccroulle, Reinoud Van Mechelen, Victoire de Changy, Paradise now, Pascale Tison, Maud Vanhauwaert, Gauthier Keyhaerts, Axel Cornil, Christophe Bailleau, des étudiants du Conservatoire royal de Bruxelles, Arnaud Van De Cauter, Bernard Tirtiaux, Marie Palatine, Zoé Tabourdiot, Benoît Mernier, Roland Servais, Cindy Castillo, Clara Inglese, Jean-Pierre Deleuze, Adrien Tsilogiannis, Yannick Haenel, Jean-Philippe Collard-Neven.

 

Capsules poétiques

Dans les nymphéas - Victoire de Changy

J’ai le dos et les coudes appuyés sur la balustrade du bateau qui nous mène dans la mer intérieure de Seto. Au loin on aperçoit des ombres d’îlots dessinés dans la brume, ou peut-être les rêve-t-on, car ils ont l’air tirés d’un livre. Sous mes pieds le plancher tangue si peu, parce que la mer est intérieure, justement, la mer est intérieure : il y a dans mon ventre un enfant qui a attendu le Japon pour faire montre de ses mouvements. Ce qui remue vraiment est là, au-dedans.

Sur l’île de Naoshima j’accoste plus tard, les mesures sont distendues ; celle du temps qui n’existe plus – à chaque minute je viens juste d’arriver sur ce territoire étranger. Celle des kilomètres filés sous mes pieds, impossibles à comptabiliser. Parce que j’ai l’attention ailleurs : je l’ai aux chenilles pendues aux branches des arbres. Je l’ai aux mouches qui viennent boire dans nos yeux. Je l’ai aux forêts qui donnent sur des montagnes qui donnent sur des champs qui donnent sur des plages qui, elles, fondent dans la mer. Je l’ai à la moiteur de l’air, qui fait coller mes paumes et perler l’eau à mes cheveux.

Qui bordent le chemin sinueux vers le musée, des hordes de fleurs colorées et un étang, sinueux lui aussi, recouvert de nénuphars parfaits, en fleurs parfois, qui n’ont rien à faire là. Qui ont tout à faire là. Et puis ce musée, anguleux et régulier, blocs de béton gris pâle additionnés, dont l’architecture n’aurait rien à faire là, mais a tout à faire ici. C’est le Chichu Art Museum, dans lequel j’entre. Dans lequel j’ôte mes souliers, que je dépose sur une étagère aux côtés de dizaines d’autres paires. Dans lequel je marche sur la pointe des pieds. Dans lequel je me tais, comme se tait chaque personne ä mes côtés.

Le silence, c’est pour mieux y voir. Voir la lumière du jour qui varie au fil des heures, ricoche sur les 70000 cubes de marbre blanc disposés au sol, et les éclaire, voilà : les Nymphéas. Cinq tableaux de Monet sur fond blanc éclatant, qui brisent le silence avec un mauve qui chante, avec des couleurs qui débordent du cadre, ou peut-être est-ce moi, il n’y a plus de cadre et j’y entre littéralement : dans les Nymphéas.

01.10.2021 – 10:00 |  Villa Empain
67, Avenue Franklin Roosevelt— 1050 Bruxelles
Texte : Victoire de Changy
Vidéo : Zoé Tabourdiot
Musique : Paradise now

Maar morgen! - Maud Vanhauwaert & Gauthier Keyhaerts

Ode l’animateur socio-culturel
Maud Van Hauwaert11S sont nombreux mais surtout
cachés derrière les projecteurs
et c’est au rayonnement des autres
que l’on remarque leur présence
11S comblent les failles
parfois abyssales de la société
II leur faut parfois pagayer avec des rames
de papier ä contre-courant dans des eaux
glacées. 11S veillent, même la nuit
ils reprisent les mailles des filets
pour que personne, vraiment
personne ne puisse tomber au travers
Consuls de l’art
consolants troubadours
émissaires de la joie
ambassadeurs de la diversité
Les manches toujours retroussées
les pieds toujours dans la cadence
d’une danse, et au fond des yeux
une étincelle d’espiègle
confiance. Chers Membres
de la Chambre du Commerce de l’Espérance
un pays peut rester des années sans gouvernance
Mais pas un seul jour sans vous
Feu qui s’épand.

Brûlot du dehors - Axel Cornil & Christophe Bailleau

A force de se distancier
On perd les camarades
de vue
Et on finit sous l’œil flic
De son voisin complice
II en aura pas fallu
beaucoup
Pour que les kapos
sortent
Sous leur capote
d’ anonymat
C’est pas un pays de
moutons
Mais une nation de
chiens de garde
Deboutassiscouchélebeau
Et ça obéit au doigt
Que chacun lève son verre
de gel
Noyons la vie et ses
bactéries,
Sous des flots de javel !
« Mesdames, messiers
A partir de maintenant
On ne parle plus qu’å Papa,
maman et les enfants
Pour les autres, foutez le
vous bien au cul
Tout simplement
Et que tout le monde reste
chez soi
En bon petit bourgeois
Ceci est une ordonnance
d’État »
Les cours d’écoles sont vides
Les cimetières se remplissent
Les vioques crèvent å l’hospice
Et chacun depuis son balcon
applaudit
Les zombies sont à l’intérieur
Et les derniers vivants dehors
II nous faut sortir de l’enclos
Sauter par-dessus les barrières
Arracher à la vie un peu de
son suc
Poussons des hurlements, des
hululements,
Des bêlements, des vagissements
Désertons les endroits safe
Où règne la consensualité
Des gens de même bord,
des personnes du bon cru,
Des citoyens et citoyennes
exemplaires
Emparons-nous des pans de
territoire
Où aucun QR code n’est
nécessaire pour circuler
Organisons des banquets
sauvages,
Défilons dans des carnavals
furieux
À l’heure des jauges
Ouvrons portes et fenêtres
Brassons sans modération nos
altérités
Tant pis s’ils nous traitent de
criminels
Sans même voir les cadavres
à leurs pieds
Brûlons, brûlons, brûlons
Dans l’âtre ajoutons encore
De l’essence et du charbon
Que nos corps sanitairement
invalides
Rougeoient
Sous les constellations de nos
humanités
Accomplissons nos
limitées, des accès restreints
trajectoires d’éphémérides
Soyons comètes disgracieuses
Filant
Déchirant les cieux de la
précaution
Que ceux et celles qui lèvent
la tête
Oublient les néons de la
pensée
Détournent les yeux du
clignotement des diktats
Puissent se dire : tiens voilà
une étoile »
Et en demeurent éblouis
Au risque de leur laisser le
goût amer
Qu’ils vivotent sur un astre
mort.

Programme complet