15-03-13 – « Derush #1 » by Paulo Dos Santos et Pao Paixao – résidence M4m Transcultures 2013 – Interview

15-03-13 – « Derush #1 » by Paulo Dos Santos et Pao Paixao – résidence M4m Transcultures 2013 – Interview

Pour la fin de leur résidence M4m (M4mobility) chez Transcultures, Paulo dos Santos et Pao Paixao présente « Derush #1 », un work in progress sous forme d’installation-performance et quelques autres travaux. A voir et à écouter à la fin des 2 journées de conférences-ateliers du projet européen M4m, le vendredi 15 mars 2013, à partir de 19h30 à la Médiathèque de Mons (ilot de la Grand Place).

Paulo dos Santos (Port) se forme comme acteur au Conservatoire de Liège en Belgique. Après un intérêt toujours plus marqué pour le théâtre physique, il parcourt l’Europe pendant une dizaine d’années en travaillant comme interprète pour différents chorégraphes (entre autres : Philippe Blanchard, Jan Fabre, Sasha Waltz…). En 2005, il commence à créer ses propres performances et spectacles chorégraphiques avec son premier solo « The Monkee ». Actuellement il prépare le projet « O », initié en 2012, solo de danse-théâtre qui verra le jour en juin 2013.

Pao Paixao (SZ) est diplômé en « Master of Arts in Film » (scénario et réalisation) ». Il a réalisé plusieurs courts-métrages vidéos et un moyen-métrage cinéma (Prémices). Pour son premier film documentaire, Pao a tourné pendant plusieurs mois en Inde, sur le thème de la perte de la spiritualité. « From Ganga to Bollywood » entend mettre en évidence les changements de paradigme de la société indienne. La notion de Karma est, selon lui, antinomique avec les productions bollywoodiennes. Cette opposition peut se retracer dans le quotidien de la société indienne en prenant comme fil rouge les quatre éléments (eau, air, terre, feu), qui sont à la base de l’hindouisme.

Pour leurs résidences M4m à Transcultures, ils ont choisi de travailler sur leurs 2 projets actuels.

La première semaine de résidence M4m chez Transcultures à Mons a permis à Paulo Dos Santos de continuer sa recherche autour du « vide ». Quelles sont les solutions pour exprimer l’équation mathématique du torus (trou), grâce à la technique du mapping video dans un espace scénique ? Comment transférer, transposer ou transporter les sensations liées au concept du vide (chute, vertige…) ? Comment intégrer le corps d’un performeur dans ce type de paysage (ombre lumineuse, double projection interactive…) ? Quelles qualités de mouvements peuvent aider à fusionner le perfomeur et les projections ?

La deuxième partie de la résidence a été consacrée au processus du montage du prochain film de Pao Paixao, dont Paulo dos Santos sera le monteur. Pour l’événement public clôturant sa résidence M4m (organisé à la médiathèque de Mons le 15 février), Paulo propose de dérusher en direct le matériel brut de Pao, dans une installation qui juxtapose de manière aléatoire et interactive les images (avec l’aide de Jacques Urbanska pour la programmation et Emilien Baudelot pour la logistique). Phil Maggi (Liège) musicien expérimental, testera également en live une série de premiers éléments de la bande son.

 

Interview Paulo dos Santos & Pao Paixao

Transcultures : Vous collaborez depuis plusieurs années sur différents projets. Comment en êtes-vous venu à cette collaboration ?

Pao Paixao : en 2009, on s’est rencontré un peu par hasard sur un projet de court-métrage que l’on devait faire dans l’urgence et ça c’est bien passé. On a réalisé qu’on avait des parcours très similaires, tout en étant plutôt complémentaire…

paulo-dos-santos_antigel_transcultures-2013Paulo dos Santos : oui, on fonctionnait de manière assez semblable… bon, quand même, on a eu des clash sur des directions de travail ou sur des interprétations à donner aux images qu’on utilise, mais je pense que ce qui nous permet de continuer, c’est qu’il me semble qu’on arrive à laisser la même part d’ « indéterminé » au processus de création.

Pao : … sans pour autant passer par des gros moments d’angoisse ou de céder à la pression de la production. C’est vrai, c’est ça qui récupère nos « clash », la liberté qu’on laisse à la forme finale.

Transcultures : Paulo, vous travaillez aussi comme chorégraphe, quels liens faites-vous entre les différentes disciplines ?

Paulo : Je ne fais pas vraiment de lien, pour moi c’est idem, que ce soit un projet scénique, une installation ou un film… il y a toujours l’idée qui prime, c’est au-dessus du reste, ou en deçà. D’ailleurs, je préfère me dire que ce n’est pas mon idée, mais que c’est juste « une » idée et qu’elle m’est « tombée dessus ». Si moi, je la choisis en retour, je veux la partager avec une forme d’intégrité. Le media utilisé découle de ce que l’idée me raconte. Je ne crée pas de rien, ça me parvient d’une certaine façon… alors c’est vrai qu’il y a des idées qui restent « irrésolues » dans la forme que j’ai choisie et qu’elle déborde sur un autre média, parce qu’elles m’habitent encore.

Transcultures : Paulo, les thèmes que vous abordez dans vos œuvres semblent ne pas être connecté …?

Paulo : C’est drôle ça oui, de l’intérieur, le sentiment est opposé. Je me suis fait la réflexion un jour que chaque pièce est un vecteur, et que chez moi ils pointent tous dans la même direction… peu importe ce que j’en fait, ces vecteurs s’organisent autour d’un même centre… mais ce centre est plutôt insaisissable en tant que tel, en tout cas pour le moment. A chaque fois que j’essaie de le nommer, il se dissout sous l’effet de la parole ou de la pensée. C’est comme l’état d’onde-particule en physique quantique, qui ne peut pas être observé… on peut utiliser l’état, la qualité indéfinie du système, mais on ne doit pas le mettre au centre du processus, sinon tout est plat.

Transcultures : Pao Paixao, vous êtes réalisateur de fiction et de documentaire, quelle est votre préférence ?

Paulo : C’est un peu comme pour Paulo je crois, même si je n’irai pas jusqu’à citer la physique quantique (rires), c’est aussi pour moi une exploration des différentes narrations possibles. La fiction, raconter une histoire à un « enfant » en faisant croire à quelque chose et puis d’un autre côté le documentaire, sans être pédagogique, qui permet de saisir des bouts de réalité, dont la juxtaposition délivre un potentiel d’histoire, ou d’interprétation du réel. La séparation est en fait factice aujourd’hui, alors ce n’est pas une préférence. Comme je le disais, c’est l’expérience de territoires inconnus qui m’intéresse. Par exemple, j’ai toujours défendu avec ferveur l’idée que même si une couche narrative n’est pas clairement lisible, ça laissera toujours une trace dans le subconscient. Donc au risque d’être obscur, je ne veux pas aplatir et déterminer les possibles.

pao-paixao_derush-from-ganga-to-bollywood-2_transcultures-2013

Transcultures : Pao, sur quelles bases lancez vous le montage de « From Ganga to Bollywood » ?

Pao : On ne s’est pas imposé une contrainte de base… Le thème de la perte de la spiritualité en Inde est très vaste et il fallait que je me limite d’emblée… J’ai tendance à doubler, tripler les prises pour essayer d’en tirer un maximum, sans faire confiance à la force du visuel des images… Alors que quand je vois les images tournées, je m’ennuie de voir des variations de scènes pour des détails, qui avec le recul, me semblent insignifiants.

Donc j’ai essayé de faire des choix radicaux au moment du tournage, alors le matériel brut est déjà sélectif. Mais, heureusement, je n’ai pas suivi mes choix radicaux « à la lettre » (rire). Comme je travaillais en même temps pour l’installation Kali Yuga, il y a eu beaucoup de moments ou filmer était une façon de découvrir et de chercher. La caméra, comme un outil de réflexion, comme une extension de la perception. Ce qui m’a permis de découvrir une réalité différente.

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Transcultures : Pourquoi avez-vous décidé de créer cette installation vidéo pour faire du derushage ?

Paulo : l’idée est venu de moi, parce que comme Pao le dit, il y a un véritable ennui qui peut arriver au montage, face aux variations sur les détails, j’ai l’impression d’être un exégète qui travaille dans une cave, à l’abri de la lumière, sur des vieux manuscrits pour déceler ce qui n’a jamais encore été révélé. Alors, j’ai proposé à Pao, de rendre public un travail qui est extrêmement intime d’habitude. Pour jouer le jeu de l’image, pour éprouver la juxtaposition des séquences, sans a priori….

Pao : c’est vrai que j’étais réfractaire à montrer les images, sans les avoirs digérer d’une certaine façon… Mais maintenant après les premiers essais, je pense, qu’effectivement, il y a un potentiel incroyable dans ce processus de travail… D’abord il faut déjà faire une première sélection, un élagage. Et puis, sans avoir l’impression de renoncer à des possibles avec le mode de juxtaposition « aléatoire », on découvre des correspondances d’images qui fonctionnent et qu on aurait même pas eu l’idée de mettre ensemble.

Paulo : Jacques Urbanska avec qui j’ai déjà travaillé (Ball Bunny Girl) s’est occupé de coder l’ interface gérée par un contrôleur fait sur mesure. Cela a très vite multiplié les possibilités de présentation de l’installation, mais surtout celles du travail en live qui en découle. La résidence étant très courte, c’est évidemment une toute première étape, nous sommes encore en période de tests et de recherche, mais ce genre d’espaces de résidence + présentation-work-in-progress sont très importants pour les créateurs. Cela permet de confronter très tôt notre recherche à un public, il y a une deadline, une présentation, mais on est pas obligé de formaliser.

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