Rencontres arts numériques-recherche-industries culturelles et créatives
Initié par Transcultures (Centre des Cultures numériques et sonores) en 2014 en complicité avec l’Institut de recherche Numediart (Université de Mons), Vice Versa entend donner une visibilité particulière et susciter une réflexion critique et publique autour de projets Arts/Sciences dits « innovants », liés à des enjeux importants des cultures numériques en lien étroit avec les domaines de la recherche et des industries culturelles et créatives.
Pour sa cinquième édition, accueillie par le Mundaneum de Mons et organisée dans le cadre du projet transfrontalier C2L3PLAY – Cross Border Living Labs (crossborderlivinglab.eu), Vice Versa a mis en visibilité les réalisations et recherches de ce living lab de la zone transfrontalière réunissant une quinzaine de partenaires sur 3 régions (Wallonie, Hauts-de-France, Flandre occidentale) et coordonné depuis 2016 par l’Institut de recherche Numediart de l’Université de Mons.
A une exposition d’œuvres à dimension numérique et innovante sur les différents étages du Mundaneum, était associé une après-midi de présentations de projets et de structures mais aussi, plus largement, de rencontres autour des cultures numériques, de la recherche et de ses applications concrètes avec à la fin de celles-ci, une performance mêlant arts numériques et robotique.
Par ailleurs, Vice Versa #5 a aussi proposé une matinée de séances d’idéations pour des projets art/culture/créativité numériques et innovants, coordonnée par le Louvre Lens Vallée, incubateur/accélérateur des entreprises culturelles.
Vice Versa #5 a été, de l’avis de tous les participants et visiteurs, une réussite permettant à des créateurs de rencontrer des chercheurs mais aussi des structures porteuses de projet issus des régions ciblées (la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Hauts de France et la Flandre).
De même, Vice Versa a réuni des publics de natures diverses – artistes, scientifiques, professionnels, entreprises innovantes (notamment via le réseau TWIST-Technologies Wallonnes de l’Image, du Son et du Texte qui avaient convié ses membres à cet événement), mais également des étudiants de l’école des arts visuels d’Arts2 (Mons) et du Fresnoy (Tourcoing), qui ont apprécié les projets exposés et leurs présentations ainsi que la performance de clôture de Stéphane Kozik. Les artistes présents ont pu ainsi rencontrer des structures (dont certains des rendez-vous individuels) qui se sont montrées intéressées par le développement de leurs projets et des collaborations y sont nées ou y ont été renforcées.
Au-delà d’aborder d’importants enjeux artistiques/technologiques/scientifiques (mais aussi de production et de diffusion des projets numériques), Vice Versa#5, dans le bel écrin du Mundaneum, a permis d’œuvrer concrètement à la rencontre. Rencontre conviviale d’abord (une dimension à laquelle la manifestation est particulièrement attentive, car il s’agit aussi de sortir des présentations/manifestations tant académiques que commerciales, en partant toujours de la créativité, des idées et des synergies à développer) et aussi transversale entre différents publics et professionnels.
Enfin, la manifestation a aussi permis de faciliter le dialogue entre les artistes, les chercheurs et les structures créatives pour croiser leurs envies et leurs ressources, rencontrant ainsi une demande, tant des artistes que des chercheurs et des porteurs/développeurs de projets.
Ci-après, vous pouvez retrouvez quelques textes d’étudiants d’Arts2 sur la manifestation ainsi qu’une série de visuels.
VICE VERSA 5.0 : Quand la science exalte l’art par Orian Ruzette
VICE VERSA 5.0 : Quand la science exalte l’art par Orian Ruzette
C’est par la présentation du projet transfontalier Cross Border Living Labs que Vice Versa 5.0 a débuté à 14h00 au Mundaneum de Mons ce 22 février 2019. Effectivement, celui-ci a pour objectif de faire se rencontrer tout type de profil tel que des chercheurs, concepteurs, entrepreneurs et citoyens afin d’aboutir à d’avantage d’innovations en terme de créations numériques et technologiques.
A la suite de cette ouverture, a eu lieu une conférence introductive au Design Thinking et au prototypage proposée par Designregio Kortrijk. Les projets présentés posent la question de leur identification en tant qu’œuvres d’art contemporaines et objets numériques et technologiques. De plus ceux-ci mettent en lumière des questions purement sociétales. Designregio Kortrijk est en fait une plateforme soutenant le travail de concepteurs et des « makers qui ont une passion pour la créativité, l’esprit d’entreprise et l’innovation » selon transcultures.be. Lors de cette cinquième édition, un représentant de cette plateforme a pu initier les visiteurs et invités au design d’objet.
Dés 15h50, les invités ont pu assister à la présentation d’une dizaine de projets mettant en valeurs le travail innovant de plusieurs concepteurs.
Le premier projet dévoilé a été celui de Stephan Kozik nommé Roboscope. Stephan Kozik est un artiste sonore et numérique diplômé de l’Ecole Supérieure des Arts Visuels de Mons et travaille beaucoup avec des capteurs et autres interfaces afin de créer des installations audiovisuelles ou des lives. Il accorde également énormément d’importance à la musique lors de ses performances. Grâce à cet équilibre entre installations interactives, et le son, il réussit à créer un ensemble audiovisuel cohérent permettant de faire voyager l’esprit des spectateurs en stimulant leurs capacités sensorielles. Roboscope est un dispositif composé de deux robots. Chaque robot est capable d’envoyer un rayon laser. En changeant la direction du faisceau laser, Stephan Kozik crée alors plusieurs projections audiovisuelles en fonction de la surface sur laquelle se réfléchit le rayon laser. Nous avons d’ailleurs pu assister à sa performance une fois les pitches finis.
Le deuxième projet présenté fut celui de Roel Heremans. Il a étudié la radio au RITS à Bruxelles puis à ArtScience à La Haye. Il a crée ce projet suite à un accident dont il ne se souvient plus. Il a donc enregistré les paroles de témoins afin de le reconstituer. Pour cette performance, nous sommes invités à porter un casque. Celui-ci nous murmure des instructions et l’isolation sonore permise par le casque nous permet de nous laisser porter plus facilement. Les murmures vont par exemple nous demander d’imaginer la chambre de notre enfance. Toutes ces instructions se mêlent alors dans une sorte de chorégraphie de l’imagination. Le travail de Roel Heremans pose dés lors un questionnement sur la mémoire de l’être humain. Il nous fait réfléchir sur ce qui fait notre réalité. En nous faisant imaginer il donne de l’importance à des choses que nous avons aux fond de notre tête. Nous confondons alors souvenirs et fantaisie et tout cela se mêle en une forme de poésie.
Les explications sur le projet de Roel Heremans une fois terminées, c’est Etienne Lambot qui est arrivé afin de nous parler de son application APPIMONKEY. Cette application après consentement se son utilisateur permet d’obtenir des données précieuses à des fins publicitaires. La particularité de cette application réside dans le fait qu’en réalisant des duels-quizz, le joueur peut gagner de réels cadeaux grâce à des concours attractifs proposés au joueur en fonction de son temps de jeux. APPIMONKEY est en faite un réel « outil-marketing » puisqu’elle permet de développer un nouveau modèle économique, en réconciliant les utilisateurs et les marques, basé sur la publicité digitale.
Etienne Lambot a ensuite laissé la parole à Manu di Martino le fondateur du label Okus Lab. Grâce à son double cursus qui lui a permis d’être chercheur en biochimie et génétique et artiste chorégraphe, Manu di Martino conjugue toutes ses compétences dans la réalisation de performances mettant en valeurs le mouvement du corps. C’est d’ailleurs le cas de son projet Insight par lequel le vidéo-mapping associé à la chorégraphie permet de mettre en lumière les liens entre l’amour du mouvement et la composition visuelle .
C’est ensuite le travail d’Olivier Gayard plus précisément sa plateforme MEMOVIE qui nous a été présentée. Cette plateforme collaborative permet de créer des histoires puisque chaque utilisateur peut y ajouter ses propres photos et ses vidéos afin de contribuer à l’élaboration d’une mémoire numérique.
Le projet Rhizomatics de Franck Soudan, artiste programmeur, s’approche tout comme celui de Roel Heremans de la littérature et stimule l’imaginaire individuel. Effectivement, Rhizomatics permet à son utilisateurs de se promener à travers la ville de Louvain-la-Neuve sous une toute nouvelle cartographie affichée sur notre smartphone. Cette carthographie nous permet de vivre une balade poétique à travers la ville en voyageant à travers des ambiances sonores réalisés par Philippe Franck et des textes écrits par des étudiants encadrés par l’auteure française Belinda Canone.
Ensuite, le travail de Samuel Meirlaen nous a été présenté. Son projet, Third-I vise à créer une caméra qui voit et entend comme un humain. Cette caméra permet par exemple à un spectateur de revivre un match de foot tel que l’a vécu un utilisateur de Third-I.
Fabien Zocco a ensuite expliqué son travail sur la réalisation d’un film : Attack the sun. Dans ce film particulier, les dialogues sont réalisés par une intelligence artificielle programmée par Fabien Zocco lui même. Ce film pose alors divers questionnements notamment sur le fait de remplacer des acteurs par des « robots » qui n’ont a priori pas d’émotion. Comment une intelligence artificielle pourrait retransmettre une émotion alors qu’elle ne peut a priori ne pas jouer comme un acteur ? Comment l’émotion passe à travers des dialogues dénués de tout sentiment?
Puis, une jeune designeuse belge nous a décrit son projet Transcensus. Heleen Sintobin a réalisé une machine permettant de scanner des créations physiques. En effet, après avoir réalisé une création en sable ou un simple relief, sa machine le numérise. Une fois numérisée, la création de sable éphémère et effaçable devient un peu plus durable en tant que données numérique.
Enfin, Saïd Afidi artiste-étudiant au Studio des Arts Contemporains Le Fresnoy a pu conclure, via Eric Prigent, coordinateur pégagogique du Fresnoy qui nous a introduit à son travail, ces présentations par son projet intitulé Yemaya. En regroupant des archives du CNRS et en compilant plusieurs technologies telles que la réalité virtuelle, Saïd Afifi a recréer un décor de grottes sous-marines tout en se l’appropriant afin d’en faire ressortir le caractère onirique. Cette grotte numérique se compose en fait de photogrammétrie de réelles grottes sous-marines et de sons issus de capteurs sous marins actifs. Les spectateurs peuvent donc voyager à travers cette grotte dans les trois dimensions grâce aux casque de réalité virtuelle.
Ainsi comme chaque année, l’évènement Vice Versa 5.0 a été un point de rencontre entre la science et l’art où les visiteurs ont pu découvrir de nombreux projets tous plus innovants les uns que les autres. Tout les projets présentés sont le fruit du choc entre recherche scientifique et artistique afin de produire des concepts et des contenus pouvant être utilisables dans un futur immédiat Finalement, cette après-midi Vice Versa a été l’occasion de réfléchir sur les possibles du numérique et ses avancées dans un monde qui ne cesse d’accélérer.
La rencontre annuelle entre les arts et les sciences par Chiara Digiulio
Résumé d’une journée de rencontre à Mons entre créateurs, chercheurs et responsables de structures avec des présentations de nouveaux projets numériques innovants.
Nous avons été invités à participer le 22 février passé à la cinquième édition du programme « Vice Versa », et ce pour la cinquième année consécutive. Rappelons qu’il s’agit d’un programme qui a été initié en 2014 par Transcultures, le centre des cultures numériques et sonores, en collaboration avec l’Institut de recherche Numediart (Université de Mons).
Cet événement a pour but d’inviter à la fois créateurs, chercheurs et responsables de structures diverses à parler de leurs travaux personnels et de leurs réflexions sur les thèmes du numérique et de l’innovation. Ces discussions se déroulent au cours des journées de rencontres auxquelles est convié un large public et ce dernier peut participer gratuitement aux différentes activités proposées.
Cette année, la rencontre a eu lieu au Mundanéum, dans le centre de Mons. Ce lieu qui a été initialement conçu comme centre de documentation à caractère universel est aujourd’hui un centre d’archives et de documentation de la Communauté française. Tout au long de l’année, il accueille également entre ses murs plusieurs événements tels que des expositions, des conférences ou même des formations. L’événement a également été organisé dans le cadre du projet européen Crossborder Living Lab, un réseau transfrontalier qui a vu le jour en 2016 pour le projet Interreg C2L3play et initié par l’Institut de Recherche Numediart (UMons), Transcultures et douze autres instituts en Wallonie, en Flandre et en France. Ils mettent ainsi leurs compétences en commun dans le but de favoriser la créativité numérique.
En ce qui concerne le déroulement de la rencontre, celle-ci a débuté à quatorze heures par une brève présentation du Cross Border Living Labs par Philippe Franck (directeur de Transcultures) qui a modéré l’ensemble des interventions.
Vingt minutes plus tard, nous embrayions sur une conférence concoctée par Design Regio (Corutrai) introduisant au Design Thinking et au prototypage. Il s’agit d’une plateforme basée à Courtrai qui encourage la créativité, l’innovation ainsi que l’entrepreneuriat. Elle est d’ailleurs impliquée dans plusieurs partenariats actifs (avec Biennale Interieur, Stad Kortrijk, Howest, l’Intercommunal Leiedal et Voka West Flanders) qui ont fait de Courtrai une région qui tire parti de son développement par son design.
La suite du programme fut composée d’une dizaine de présentations successives de projets innovants, dont certains en association avec le Crossborder Living Lab.
Nous avons ainsi assisté à la présentation de Samuel Meirlaen, représentant de « Big Boy Systems ». Il nous a introduit le projet immersif « Third-I », un objet qui ressemble à des lunettes de soleil aux premiers abords mais qui est en réalité un système permettant de revivre une vidéo tout en se mettant à la place de la personne qui l’a enregistrée. Pour se faire, ils combinent image 3D au son binaural, une méthode d’enregistrement qui se rapproche le plus de l’ouïe humaine et qui permet de localiser les sons autour de nous. Cela en fait une expérience unique et totalement immersive, facile d’emploi. Pour revenir sur Big Boy Systems, il s’agit d’une société de production électronique.
Continuons avec l’artiste-programmeur français, Franck Soudan, qui nous avait déjà présenté son projet l’année dernière. Ce chercheur dans le domaine des arts et du numérique nous a proposé son projet JonXion qui lie art et géographie. Ainsi, il crée des sortes de grands graffitis en plaçant l’individu au centre des cartes et en décelant parmi tous les chemins, les plus courts et les plus rapides.
C’est ensuite le projet de l’artiste Roel Heremans, ancien étudiant en radio, qui a été présenté. Il s’agit d’une série de compositions imaginaires et interactives (Room# qui fait suite à Room A) : il crée une synergie entre les simulations mentales de son public et la pièce où il se trouve. Cela demande un grand engagement de la part du public. Ce projet s’est concrétisé suite à ses recherches et réflexion sur la notion et reconstruction du temps, une idée qui lui est venue après avoir été victime d’un accident.
Le Mundanéum a également accueilli Saïd Afifi et son projet Yemaya produit par Le Fresnoy. C’est en partant de la photogrammétrie sous-marine de grottes qu’il va créer des mises en scène oniriques, le tout en haute résolution tridimensionnelle. Ainsi par cette installation immersive et scientifique, il interroge les formes de représentation et leurs éclosions technologiques et esthétiques.
Le projet Transcensus d’Heleen Sintobin, designer flamande avec une formation d’architecte d’intérieur, est une machine transformant des créations physiques en artefacts digitaux 3D via un système de scanner. Cette création est née suite à sa fascination pour l’interférence entre structure et mouvement. C’est à la fois une interface physique, dans ce cas-ci le sable, ainsi qu’un dispositif de numérisation, vu ses fonctions de sauvegardes, suppressions, etc.
Cela a été ensuite au tour d’Etienne Lambot de nous introduire AppiMonkey, une application gratuite sous forme de jeu qui vise à réconcilier public, marques et publicité digitale. L’application permet à l’utilisateur de gagner des cadeaux via des concours.
Olivier Gayard a à son tour défendu MEMOVIE, une agence de storytelling transmedia collaboratif qui rassemble vos archives et les organise. Il s’agit d’un moyen parfait de valoriser son patrimoine, ses souvenirs et ses histoires.
Parlons maintenant d’un film au nom de Attack the sun, réalisé par Fabien Zocco et Gwendal Sartre qui s’interrogent sur les rapports que nous avons avec les nouvelles technologies. C’est pour cette raison que dans cette œuvre, il a entrepris de faire générer par une intelligence artificielle des dialogues au moment même du tournage, laissant place à une sorte de récit futuriste qui retrace l’histoire d’un youtubeur californien sombrant dans la folie.
Pour finir avec ces présentations, le lieu a accueilli pour la deuxième année consécutive Manu Di Martino et son laboratoire pluridisciplinaire « Okus Lab ». Comme ce fut le cas l’année précédente, c’est le projet qui m’a le plus captivé par le fait qu’il lie plusieurs thèmes qui me parlent bien.
Di Martino a commencé comme chercheur biochimique et génétique avant de se faire prendre d’une seconde passion plus tard qui est la danse. Ainsi, à 24 ans il devient chorégraphe et après avoir appris et assimilé différents styles de danse, il se spécialise dans la danse urbaine. Quelques années plus tard, il prend la décision de mixer ses deux passions, la science et la danse en fondant sa compagnie Okus Lab. La particularité de ses spectacles et ses danses réside dans leur aspect: il lie mouvements et lumières, mutations, dédoublements et décompositions. De simples capteurs sont posés sur les danseurs et interceptent leurs mouvements, qu’il prend un malin plaisir à resculpter, à transformer et à fragmenter jusqu’à métamorphoser également ses danseurs en réels mutants. Parfois, ce n’est qu’un jeu de lumière bien placé qui suffit à donner ces effets spéciaux. Tout ce système fonctionne plus que bien et captive nos regards de par sa beauté et son aspect hors-du-commun.
Après toutes ces présentations, nous avons eu droit à un moment pour souffler avant de continuer sur une performance impressionnante d’une quinzaine de minute.
C’est l’artiste plasticien sonore Stéphane Kozik qui est l’auteur de Robotscope, un dispositif composé de deux robots envoyant chacun un rayon laser dans des objets translucides, révélant ce qu’ils cachent en eux. C’est une expérience immersive, sonore et visuelle, qui fait le rapport entre le son et l’image.
C’est dans une ambiance sonore sombre et froide que ces lasers aux allures futuristes vont et viennent, apparaissent et disparaissent au rythme du son.
Stéphane Kozik propose ainsi au public une performance quasiment scénographique, stimulant à la fois les oreilles et tous les sens.
Au final, les projets qui ont été introduits durant cette cinquième édition de Vice Versa ne m’ont pas déçue et étaient à la hauteur de ceux de l’édition précédente !
Cet événement aura pu attiser la curiosité de certains voire susciter une profonde réflexion critique et publique chez d’autres, sur les enjeux liés aux projets innovants, combinant arts et sciences dans notre société numérique toujours en évolution.
Vice Versa 5.0 - L’évènement transfrontalier des rencontres Arts-Sciences par Lou Chédeville
L’évènement annuel Vice Versa#5 initié par Transcultures (Centre des Cultures numériques et sonores) a été accueillie cette année au Mundaneum de Mons pour sa cinquième édition, organisée dans le cadre du projet transfrontalier C2L3PLAY – Cross Border Living Labs. Vice Versa met en lumière des travaux et recherches réunissant une quinzaine de partenaires sur les régions de Wallonie, Hauts-de-France, Flandre occidentale et coordonné par l’Institut de recherche Numediart de l’université de Mons. Cet événement veut « susciter une réflexion critique et publique autour de projets Arts/Sciences dits « innovants », liés à des enjeux importants des cultures numériques en lien étroit avec les domaines de la recherche et des industries culturelles et créatives ». Mais c’est aussi plus largement, l’occasion de découvrir et de s’intéresser à des artistes contemporains et inventeurs qui utilisent la science et la technologie comme outils artistique et d’innovation, dont voici ceux qui m’ont le plus personnellement intéressé.
Parmi les artistes participants à cette cinquième édtion de Vice Versa accueillie par le Mundaneum à Mons, Samuel Meirlaen a d’abord travaillé comme ingénieur du son avec la technologie « binaurale ». Qu’est-ce que le son binaural ? C’est une technique qui restitue l’écoute naturelle, en trois dimensions. L’homme est capable de repérer les sons dans l’espace, il suffit de fermer les yeux pour entendre des sons qui peuvent venir de devant nous, derrière, à droite ou à gauche. Les ondes sonores captées par nos oreilles permettent de situer leurs sources assez précisément. Le pavillon de l’oreille est orienté par l’avant, le son n’aura pas le même timbre si il arrive par l’arrière. De même qu’un son qui arrive par la gauche sera capté en premier par l’oreille gauche et n’aura pas le même timbre sur l’oreille droite. Le fait de mettre des micros à l’emplacement des tympans dans une réplique d’un crâne humain, va permettre de restituer au plus près ce phénomène pour enregistrer des sons. Pour pouvoir écouter du son binaural, il suffit de se munir d’un casque audio. La démonstration de spatialisation sonore la plus connue et la plus impressionnante est « The Virtual Barber Shop », que l’on peut retrouver sur internet, et qu’on ne peut que recommander de tester en se munissant d’un casque pour se rendre compte des capacités assez bluffantes du son binaural : on a la sensation qu’un barbier nous coupe les cheveux avec un rasoir qu’on peut localiser autour de notre crâne.
Avec un concept aussi séduisant, pourquoi l’écoute binaurale n’est alors pas plus populaire ? En réalité elle n’est pas dénuée de contraintes qui ont conduits à freiner sa popularisation. La première est qu’il est nécessaire d’avoir un casque, ce qui a délaissée la technologie à l’époque du règne télévisuel, mais désormais la généralisation du mobile et des équipements de réalité virtuelle redonnent à la technologie binaurale tout son intérêt. Mais la seconde est une difficulté majeure qui ne concerne pas les coups de production : la principale problématique posée par le son binaural est physique. Nous n’avons pas tous la même physiologie, la même tête, et notre cerveau a appris à interpréter des signaux sonores qui nous sont propres. Notre morphologie et la forme de notre pavillon vont influer sur la fréquence et l’amplitude du son qui nous parvient. Personne n’aura donc tout-à-fait la même expérience sur du son binaural.
Samuel a cherché conjointement avec ses associés à « réfléchir à une façon de capter l’image d’une manière similaire, afin que vous voyez exactement ce que quelqu’un d’autre a vu » . Ils fondent alors la SPRL Big Boy Systems avec l’idée de combiner de l’image 3D avec du son binaural pour créer un contenu audiovisuel immersif. Ils démontent des caméras, en modifie les modules électroniques pour finalement créer une caméra qu’ils ont baptisé « Third-I » qui s’entend « Third-eye » et voudrait dire « Troisième oeil » en français. Cette caméra que l’on porte sur le front permet de filmer en 3D et capter le son en 360 degrés dans le même temps. Les films peuvent être lus en réalité virtuelle sur des supports comme l’Occulus Rift et offrir une immersion et restitution fidèle. Mais le prototype de leur caméra ne se limiterait pas au grand public, mais aussi à des applications médicales, qui permettrait d’opérer à distance, et surtout intéressante dans des formations chirurgicales. Cette caméra pourra donc profiter au milieu de la science comme au milieu artistique, au profit de l’immersion.
Saïd Afifi, artiste-étudiant au de la structure Le Fresnoy, empreinte aussi un chemin similaire aux sons et à l’espace 3D en réalité virtuelle. Lui explore l’aspect plastique et le langage poétique dans une installation immersive en réalité virtuelle intitulée « Yemaya » avec des outils et procédés scientifiques. Son projet est une mise en scène onirique, faite de grottes réalisées avec la technologie de la photogrammétrie sous-marine et des mesures acoustiques puisées dans l’archive numérique du CNRS. En résulte un voyage méditatif, une errance poétique, dans un monde tridimensionnel fait de son, d’images et données scientifiques. Un travail qui questionne l’esthétique et utilise des données scientifiques comme matériaux à but artistique.
Également présent l’édition précédente, le fondateur d’Okus Lab, Manu Di Martino, était présent cette année. Son laboratoire scientifique interdisciplinaire explore l’art visuel né du corps humain et la technologie pour le plus grand plaisir de nos yeux. Grâce à la technologie de capteurs de mouvements, la lumière ou le codage, danse contemporaine et urbaine s’allient pour créer un balais digital hypnotisant alliant vidéo-mapping, light painting, son, et chorégraphies. Un concept déroutant au cœur du trans-média, qui fait cohabiter les sciences avec de nombreuses formes d’art, et une signature artistique propre à Manu Di Martino, qui a allié brillamment ses connaissances scientifiques et artistiques. Son travail est sans doute une des meilleures preuves que la réunion de l’art et de la science sont d’une grande fertilité créative.
A la fin de cette stimulante après-midi, Stephane Kozik, artiste originaire de Mons a fait une démonstration de son récent projet Robotscope, une invention immersive grâce à un dispositif de performance audio-visuelle mêlant art sonore, visuel, et technologie. Des robots munis de lasers dessinent dans l’espace et révèlent l’intérieur d’objets constitués de matières translucides. Dans un aspect un peu science-fiction bien réelle, une puissante interaction entre son et images se dégage de cette installation. Un balais musical et visuel qui fait écho à la production industrielle, qui peut évoquer les bras mécaniques utilisés dans les usines de construction de véhicules qui réalisent un balais incessant de tâches répétitives, questionnant ainsi l’utilisation de technologies au service de l’industrie détournés au service de l’art.
L’évènement Vice Versa est donc de nouveau une belle réussite. Il a su une nouvelle fois nous faire découvrir des créations artistiques issues de la rencontre entre les arts et les sciences d’une grande diversité et d’une grande richesse. L’avenir nous réserve encore de belles surprises quant aux créations futures.
Á la découverte des projets du Cross border Living Lab
Pour cette nouvelle édition de Vice Versa, le Mundaneum à Mons a accueilli une quizaine de partenaires venant de trois régions. La Wallonie, le Hauts-de-France et la Flandre occidentale. Cette cinquième édition s’est divisé en trois moments, tout d’abord une conférence avec une présentation de chaque projet pendant une bonne partie de l’après-midi, une démonstration robotique et sonore et enfin une déambulation dans le lieu d’exposition.
Les présentations des projets sélectionnés dans ce Vice Versa#5 ont commencé par celle de Pierre Collin et son network-cluster wallon TWIST (Technologies wallonnes de l’image, du son et du texte), partenaire, cette année, de cet événement initié par Transculures. Le principe de la plateforme TWIST est d’accompagner des projets et d’aider les personnes selon leurs compétences et moyens financiers. Un projet peut, s’il est jugé viable, recevoir des aides financières et être soutenu pendant quatre mois. Il est pertinent que la conférence commence par sa présentation, les projets de la conférence ayant besoin de soutien financier ou d’aides dans leur développement.
Chloé Roncajolo nous a ensuite parlé de Louvre-Lens Vallée, un centre numérique réunissant des startups à vocation culturelle à Liévin en France. Le Louvre-Lens Vallée est axé sur l’innovation de l’humain depuis 2013. Ce dynamique incubateur a plusieurs évènements comme le World Cafe Culture, des afterworks pour échanger, le culturacare (pour améliorer la santé et la culture), des culturathons (pour faire des projets innovants en 2 jours/1 nuit). Ils sont toujours à la recherche de nouveaux talents. Le but est de faire émerger des produits et/ ou services culturels pour améliorer le quotidien. Le Louvre-Lens Vallée apparaît comme une bonne initiative, utile pour faire bouger la région et créer de nouveaux emplois, leur envie de partager et de s’ouvrir à de nouvelles propositions semble être une bonne chose pour toutes personnes cherchant à travailler en équipe et à développer des projets dans cet esprit-là.
Nous avons eu, ensuite, un représentant de Tomorrow Makers qui recherche des communautés qui ont besoins de leurs compétences notamment dans le prototypage d’ objets facilitateurs pour le quotidien. Ils ont déjà réalisés des lunettes réflectives ou des prothèses pour des personnes handicapées. Ils utilisent des objets combinatoires (comme des legos et des mecanos) pour rapidement fournir des solutions aux personnes demandant leur aide. Les premiers prototypes sont toujours fait «rapidement et salement» pour voir si l’idée marche avant de se lancer vers la conception d’un objet plus esthétique. Ils mettent à disposition un Medical Fablab pour partager leurs savoirs, c’est un camion boîte à outils. Leur objectif est de si possible faire un prototype designé pour le plus de monde. En partageant leurs projets à une communauté active ils peuvent faire évoluer le projet encore plus loin. Et cela avec peu de moyens. Avec Tomorrow Makers, c’est une belle initiative d’utiliser leurs découvertes pour le plus grand nombre.
L’artiste montois Stéphane Kozik est venu nous parler de Robotscope, une installation/performance qui met en scène des robots (que nous avons vu en action après la conférence). Ceux-ci scannent un vase en cristal (ainsi que d’autres objets comme un CD) et renvoient des lumières grâce à leurs lasers oscilloscopes. L’idée est de reproduire un mouvement organique avec les robots, de leur donner vie par la musique et les mouvements qu’ils produisent. Stéphane Kozik nous a expliqué la difficulté de les faire bouger comme il voulait. Il aimerait ralentir ses robots mais s’ils deviennent trop lents, des saccades apparaissent brisant l’illusion.
Durant la démonstration que l’artiste a proposé dans une autre salle du Mundaneum, l’immersion dans le noir est totale. Pendant une quinzaine de minutes, ce sont des mouvements mécaniques, de la fumée, des fractales sur le mur et un son à chaque mouvement de laser ou clignotement d’ampoule qui se déclenche. Les robots s’animent, semblant communiquer dans un langage qui nous dépasse.
Roel Heremans (représenté par Dorian Chavez ce jour-là) propose aussi une expérience immersive avec son installation Duet A. Deux personnes se mettent face à face les yeux fermés, un casque sur les oreilles. Une voix en anglais propose un parcours mental, des images émergent dans l’esprit des spectateurs, l’installation propose un instant de réouvrir les yeux et de regarder la personne en face de soi puis de les refermer. D’autres indications s’enchainent incitant les auditeurs, les yeux fermés à lever le bras gauche et toucher l’épaule de la personne en face de soi (la même action est réalisé au même moment en face). Ce parcours mental et sensoriel dure trois minutes mais réussit à nous faire redécouvrir l’espace à notre retour de ce petit voyage.
Dans un cadre plus lucratif Appimonkey présenté par Etienne Lambot nous propose pour les fans, les annonceurs et les stades un jeu interactif sur GSM. L’application collecte les data dans le but d’adapter les publicités au destinataire et lui donner envie d’en regarder avec son consentement. Le spectateur cumulerait des points avec la possibilité de les redistribuer en matériel, de gagner des cadeaux. Nous avons un outil de marketing plus pointu pour mieux cerner son public mais ce qui me dérange c’est bien le fait de collecter des données et de redistribuer des points en matériel pour que tout le monde soit gagnant. J’ai trouvé le dernier point assez flou lors de la conférence.
Vouloir s’adapter à la demande pour mieux correspondre à chacun et aussi intéressant que effrayant. Jusqu’où ces données vont-elles être utilisées ? Quelle est la limite ?
Okus Lab est un mélange de dance hip-hop et de vidéo mapping proposé par Manu Okus Di Martino, par ses danses il hypnotise le public et cherche à s’hypnotiser aussi. Complètement happé par le mouvement et le jeu de lumière le spectateur entre dans une modification de son état de conscience, sa perception du temps est différente. Les mouvements sont psychédéliques, abstraits et à la recherche d’une symétrie dans les dernières productions. Un spectacle pour les yeux mélangeant dance et technologie.
Me Movie présenté par Olivier Gayard est une agence de communication spécialisée dans les histoires transmédia collaboratives pour les entreprises et particuliers. Cette plateforme online de storytelling permet d’accompagner les clients dans leurs créations visuelles à travers plusieurs services d’archivages, de vidéos, d’éditions de livres, impression de t-shirts, de produits dérivés, de sites web, d’installations et d’expositions.
C’est donc un service très complet que propose Me Movie. Cette entreprise belge de pointe a su s’adapter à la demande et aux possibilités que nous offrent les nouvelles technologies en matière de communication.
Portée par Transcultures et initiée par l’artiste/chercheur français Franck Soudan, Rhizomatics est une ballade poétique à Louvain-la-Neuve. Sur smartphones ou tablettes des textes se déclenchent selon l’endroit où se situe le piéton. L’idée et d’enrichir l’exploration des lieux avec de l’histoire, des chansons, des dessins et surtout des serveurs plus gros pour contenir toutes les données et peut être les étendre à d’autres villes. Une nouvelle façon de découvrir une ville est toujours divertissant et enrichissant, ce projet mériterait d’avoir une base de données plus développée.
Big Boy Systems permet avec un son binaural de capter une ambiance sonore comme si nous y étions, le tout accompagné d’une caméra 3D pour ne pas perdre un instant de l’évènement. L’objectif est de revivre des moments de grande effervescence. Mais pourquoi vouloir revivre un match ? L’archivage et les transmissions d’un évènement sont importants mais limiter l’exemple à un match me parait réducteur pour les possibilités qu’offre ces deux technologies.
Fabien Zocco nous présente, quant à lui, son étonnant film Attack the Sun : pour créer les dialogues du film il a inventé une IA. Cette IA a généré en temps réel les répliques dans l’oreillette des acteurs. Le résultat donne des personnages mystérieux et des tirades incohérentes mais intéressantes à voir. Jusqu’où la robotique pourra remplacer l’humain ? Si les scénaristes disparaissent, un système comme celui-là en plus évolué sera-t-il pertinent ? Aurons-nous une certaine répétition des histoires ? Ou au contraire de nouveaux concepts jamais vus ?
Heleen Sintobin nous propose un projet atypique avec Trancesus. Dans un bac à sable le public peut modeler la forme qu’il souhaite. Un rail équipé d’une caméra scanne la surface et la retranscrit en trois dimension sur ordinateur. Il y a donc possibilité pour ceux qui n’ont jamais touchés à la 3D d’avoir un modèle numérique à imprimer… dans une imprimante 3D ! Une nouvelle façon de rendre accessible un domaine qui peut avoir l’air compliqué au premier abord. Cependant avec le scanner il peut y avoir des glitch ou des erreurs qui modifient la forme de base. Ces imprévus loin d’être indésirables offrent de nouvelles possibilités.
Le Fresnoy est une école axée sur le transdigital avec un cursus en deux ans. La première année est orientée photographies et vidéos et la seconde sur le développement de la production artistique de l’étudiant. Pour l’occasion, une installation en réalité virtuelle de Said Afifi Yemaya était présente. Une fois le casque enfilé nous découvrons des chaînes de coraux, un son sourd nous accompagne dans ce voyage. Le tout est censée retranscrire la difficulté des migrants à traverser la mer, un hommage à ceux qui se noient et n’atteignent jamais la côte. J’ai ressenti un certain apaisement dans cet univers, ce qui n’était pas l’effet voulu par l’auteur mais la démarche reste intéressante et intrigante.
La conférence s’est fini avec Noclip de Jasper St-Pierre, cette base de données permet d’explorer les environnements d’une trentaine de jeux vidéo. Les univers d’anciens jeux sont modélisés en 3D, un travail colossal pour créer de nouveaux lieux. De quoi ravir ceux qui se sentent l’âme d’explorateur ou d’aventurier.
Cette manifestation fut riche en découvertes et sensations, un point de vue sur ce qui se fait actuellement. On repart avec des interrogations et de l’émerveillement en se demandant déjà ce que nous réservera la sixième édition !